Aux confins du Vietnam, du Laos, de la Birmanie et du Tibet, le Yunann est pourtant un peu hors des sentiers battus. Berceau du thé ainsi que terre de minorités ethniques, la province ajoute ses sommets enneigés aux plaines fluviales en passant par les cultures en terrasses et les forêts luxuriantes.
Le Yunann est une province montagneuse creusée de profondes vallées a une taille de plus 13 fois la Belgique (393.000 km²).
Un climat contrasté, entre la chaleur et l’humidité des vallées et la fraîcheur des montagnes, a permis au riz et au thé de s’y développer. Cette boisson y a sans-doute été bue pour la première fois au monde ! C’est en effet là que fut inventée la culture de ce breuvage millénaire.
Quant aux forêts subtropicales de la province, celle de Xishuangbanna a été comparée à un zoo naturel… C’est dire si le Yunnan abrite une diversité d’animaux et de plantes, avec des milliers d’espèces végétales, 500 espèces de mammifères dont l’éléphant d’Asie, le gibbon, le tigre… Ainsi que 300 espèces d’oiseaux auxquelles s’ajoutent des centaines d’espèces de reptiles et de batraciens. Comme l’évoque un arbre vieux de 800 ans, le roi des théiers, le Yunnan est le berceau du thé… Cette province parfois surnommée « Jardin céleste de la Chine » accueille également un patchwork d’ethnies, plus de 25 sur les 56 que compte l’Empire du Milieu. Elles vivent encore aujourd’hui dans le respect de leurs traditions qui se déclinent en coutumes et festivités, architecture originale, élégance de l’habillement. Sans oublier une gastronomie étonnante…
Berceau de la théiculture, même si d’autres provinces chinoises et l’Inde se disputent son origine, c’est au cœur du Yunnan qu’ont été découvertes les plus anciennes plantations de thé et les plus anciens théiers sauvages. C’est de là également que proviennent les thés noirs et sombres les plus célèbres, avec leur profil aromatique unique : les fameux thés de Pu-Erh ou Pu’er (prononcer pou-eur)… Ce thé est élaboré à partir des feuilles d’une variété de théier, le fameux Camellia sinensis assamica ou parfois appelé « théier de l’Assam ». Ses longues feuilles d’une dizaine de cm de long en font l’un des thés noirs les plus réputés (et des plus chers) de la planète. Pour être transportés, les thés étaient souvent compressés sous forme de blocs, briques ou galettes.
Aujourd’hui encore, ces blocs sont grattés pour en extraire quelques grammes qui suffiront à une extraordinaire une infusion. Il en est ainsi du thé Pu’er, souvent proposé en galettes de 357 grammes. Et le plus intéressant, c’est que ce thé bonifie avec le temps. Comme le vin. A tel point que certaines galettes de pu’er, très anciennes se vendent à coups de dizaines de milliers d’euros! Certaines galettes se conservent plusieurs décennies. Le sage Lu Yu (sous la dynastie Tang) aurait consacré vingt années de sa vie à recenser dans un traité de dix volumes tous les savoirs de son temps sur ce breuvage. Depuis la culture du fameux camellia à l’art de sa dégustation. C’est le fameux livre « Cha Jing »… Sur place, le thé se déguste et se savoure religieusement. Il est doux et boisé avec un rouge rubis profond. Il a un goût unique de miel mélangé de notes florales… En boire (celui-là et d’autres de la région) est toujours une petite cérémonie… Le climat toujours humide, chaud en été et doux en hiver permet également la culture du riz, comme en témoignent les magnifiques miroirs d’eaux en escaliers dans les reliefs.
Ce n’est pas simplement de la route de la soie dont on parle dans le Yunnan, mais plutôt de la route du thé. Même si quelques connections se faisaient avec la célébrissime route de la soie et menaient vers le sud de l’Himalaya.
La route du thé permettait avant tout d’acheminer cette précieuse cargaison le long de sentiers muletiers vers le Tibet au nord et la Birmanie au sud. Souvent au bord des ravins, au prix de mille dangers, entre éboulements et inondations… Alors que la consommation n’a fait que s’emballer, de véritables caravanes transportaient les feuilles de ce breuvage tout au bout des vallées, vers les villes chinoises et par après, vers les ports européens par bateaux entiers.
Aujourd’hui, les plantations de thé sont une des premières richesses de la province. A cette route du thé s’ajoutait le commerce des chevaux, déjà empruntée il y a plus de mille ans. Elle débutait dans le Yunnan, à Pu’er et rejoignait Lhassa au Tibet. Pendant des siècles, les caravaniers de thé et les marchands de chevaux ont parcouru la même route, échangeant ces richesses en bonne entente commerciale. Comme la route de la soie, la route du thé a eu un impact considérable sur l’essor de la Chine. Son origine remonte aux dynasties Tang et Song (de 618 à 1279…) quand les Tibétains ont découvert le thé du Yunnan et ses formidables vertus. En échange, ces derniers offraient des bœufs, des yacks et des chevaux, nécessaires aux armées chinoises pour protéger leur Empire du Milieu contre les invasions nomades.
Ainsi est née la Route du Thé et des Chevaux…
Avec le passage des caravanes de la route du thé et des chevaux dans le Yunann, la rencontre entre ethnies s’est accélérée dans ce morceau de Chine.
Avec autant d’échanges linguistiques et culturels, c’est un plaisir d’admirer aujourd’hui l’habillement quotidien des hommes et des femmes du Yunann. Les populations Han, Yi, Bai, Hani, Zhuang, Dai, Hmong, Hui, Blang et Achang se rencontrent ici et là, dans les marchés colorés ou dans leurs villages respectifs, lors des fêtes et des cérémonies.
Ou simplement dans la vie de tous les jours… Ces nombreuses minorités se jouent parfois des frontières jusqu’en Birmanie, au Laos, au Vietnam ou en Thaïlande. Ce sont notamment les Dai et les Hmong qui ont façonné le plus la région de leurs connaissances agricoles. Parmi les régions les plus diversifiées, le Xishuangbanna offre une grande variété culturelle avec des villages de tous les groupes ethniques disséminés dans les campagnes. Ceux-ci ont conservé leur architecture (maisons sur pilotis, pagodes et temples ; toits en bois, ardoises ou tuiles…), leurs traditions et styles de vie, leurs magnifiques habits traditionnels et leurs cultures colorées.
Une infinité de bourgades, villes et villages s’égrènent dans le Yunnan: Kunming, Jianshui, Tuanshan, Yuanyang, Pu’er, Jinghong, Jingmaishan, Dali, Xizhou, Shaxi, la bourgade mythique de Shangri La, Shuhe, Lijiang…
Prenons par exemple une bourgade comme Wenhai (minorité de Naxi) près de Lijiang, qui offre sa magie paisible. Tout comme le village de Shaxi et la ville de Jianchuan avec leurs magnifiques maisons anciennes. Sur le Mékong, au sud de la province, se trouve Jinghong. La ville offre de beaux marchés (de nuit également) qui croulent sous les fruits tropicaux et les légumes. C’est l’occasion de rencontrer les marchands, accueillants et rieurs. Quelques parcs et jardins tropicaux avoisinent les pagodes et temples dorés. Le parc Manting permet d’y admirer un grand Bouddha. Les jardins comme le botanique ou de Menglun sont un bonheur à visiter. Des spectacles de chants et de danses traditionnelles Mengbalanaxi s’y déroulent parfois, dont la danse du pan coloré.
Quant à Kunming, la capitale de la province, tout au nord, à plus de deux mille mètres, elle est entourée de rizières en terrasses. La ville est surnommée « du printemps éternel », grâce au lac voisin qui en régule les températures. De nombreuses bourgades comme Pu’er se visitent également. Ses plantations de thé ouvertes aux touristes permettent d’y découvrir un petit musée du thé, des habitations traditionnelles des différentes minorités de la région avec quelques spectacles de chants et danses traditionnelles. Il est possible de récolter ses feuilles de thé et d’en faire une galette de Pu’er lors des récoltes…
Mais le Yunnan, c’est également une province traversée par quatre fleuves mythiques. Ce sont le célèbre Yangzi Jiang (le fleuve bleu ou Yang Tsé Kiang des romans d’aventure…), le Mékong que l’on ne présente plus et qui traverse ou long une demi-douzaine de pays d’Asie), le fleuve Rouge et la Salouen ou « fleuve en fureur »… Sans oublier les sites naturels comme les gorges du Saut du Tigre, les Terres Rouges et la forêt de Pierre ! Si chaque village, région, paysage du Yunnan a hérité d’un surnom poétique comme « Sud des nuages », « Royaume des animaux », « Royaume des plantes », « Pays natal du thé », « des plantes médicinales », chaque district a également son surnom. Le Yunnan n’a probablement pas volé son surnom de « plus belle province de Chine… »