Glasgow, la reconquête sur un passé difficile

Philippe Bourget,
05-12-2024
L’ancien bastion ouvrier mis à terre par la crise industrielle des années 1970 s’est réinventé en cité d’art et de culture contemporaine. Un élan trendy toujours en marche qui offre aux visiteurs de multiples opportunités de découvertes et de sorties, au milieu des vestiges d’une histoire sociale unique en Ecosse.

Des Tobacco Lords à Macintosh, signes intérieurs de richesse

A Glasgow, l’histoire se lit dans la pierre. Fondée au VIe s., la cité s’établit sur une colline au nord-est du centre-ville actuel. Là se trouvent toujours la cathédrale catholique St Mungo’s (XIIe-XIIIe s., remaniée), devenue presbytérienne, et la plus ancienne maison de Glasgow, Provand’s Lordship (1471), souvenir de son passé moyenâgeux. Elles sont bordées par Necropolis, cimetière-jardin victorien (XIXe s.) dominant la ville de ses 3 500 pierres tombales.

Pollok House, manoir au sud de la rivière Clyde © Bourget Philippe

Glasgow entre réellement dans la lumière en 1707, quand l’Ecosse se lie à la couronne d’Angleterre. Depuis le port, les navires peuvent accéder plus facilement que depuis Londres aux terres anglaises d’Amérique. Des marchands locaux, les Tobacco Lords, vont ainsi faire fortune dans le tabac et bâtir de riches demeures. C’est dans Merchant City – partie du centre-ville – que l’on peut les voir, comme celle à colonnes du 78, Hutcheson Street, ou la Gallery of Modern Art, ex maison du négociant William Cunningham. Ou encore Merchant Square, un ancien marché couvert qui deviendra au 19e s. un haut-lieu de commerce.

Immeuble de style Ecossais Baronial sur Argyle Street © Bourget Philippe

Dans ce quartier s’affichent aussi les marques bourgeoises d’une autre ère : la révolution industrielle. A la fin du XVIIIe s., l’écossais James Watt décuple le potentiel de la machine à vapeur. Jackpot pour la ville, qui fait tourner ses mines de fer, de charbon et ses industries à plein régime. Avec la construction navale, Glasgow devient aux XIXe s. et XXe s. une cité ouvrière prospère. Les big boss y bâtissent de nouveaux édifices : face au Tron Theater, l’ancienne banque de style « écossais baronial » (décors médiévaux et Renaissance) ; sur St Vincent Street, Anchor Line (ex compagnie maritime, 1906) et Citizen Office.

Argyle Street © Bourget Philippe

La période révèle aussi le talent de l’architecte Charles Rennie Mackintosh. Inspirateur de l’Art Nouveau à Glasgow, son travail se lit en différents lieux, comme la Lighthouse (un « phare » en ville), la Glasgow School of Arts et The House of an Art Lover, dans le parc Bellahouston. L’âme ouvrière, elle, transparait à Hidden Lane, dans le quartier aujourd’hui bobo de Finnieston. D’anciens ateliers en briques sont devenus des studios d’artistes. Quant aux puces de Barras, dans East Side, elles drainent le week-end une clientèle populaire fan de vintage.

Porte des City Chambers, l’hôtel de ville © Philippe Bourget ©

Depuis les années 1990, une renaissance et une vie culturelle intenses

La prospérité de Glasgow s’effondre dans les années 1970-1980. Avec la fin de l’aventure minière britannique et les crises industrielles, la cité tombe dans la pauvreté. Quartier populaire, la rive sud de la Clyde, fleuve côtier qui traverse la ville, est exsangue. La traversée du tunnel va durer plus de 20 ans. Jusque aux années 1990 quand, sous l’impulsion de la sphère artistique de la ville, un début de renaissance s’engage.

Passerelle piétonnière sur la rivière Clyde © Philippe Bourget ©

Mot d’ordre : rénovation urbaine à tout-va et culture musicale. C’est à ce moment là que les groupes locaux Simple Minds, Frantz Ferdinand et Texas se révèlent, dans l’ancienne salle de bal Barrowland, devenue lieu de concert. Le street art envahit les murs. Glasgow offre de nos jours un mélange étonnant de dynamisme culturel. Une ardeur friendly qui tient autant à la solidarité héritée de l’histoire ouvrière qu’à ce présent arty et musical. « On rit plus à Glasgow lors d’un enterrement que durant un mariage à Edimbourg ! », se moquent les locaux.

Le marché aux puces des Barras, East Side © Philippe Bourget ©

Même si des friches urbaines sont toujours visibles et qu’une certaine pauvreté se lit dans des rues et sur des visages, l’éveil glasvégien se renforce depuis trente ans. Proche de la chic Ingram Street et de George Square, où se dressent les City Chambers (l’hôtel de ville), la piétonne et large Buchanan Street aligne de nombreux commerces. Merchant Square est devenu un lieu prisé de fooding, dans un secteur urbain qui vibre aux couleurs LGBT. Au-delà du quartier boboïsé de Finnieston (restaurants, bars…), West End est aussi un exemple de mutation. Autour de la vaste université où enseigna Adam Smith, père de l’économie libérale, ce quartier est devenu un repaire de magasins et de cafés branchés. On s’en aperçoit en flânant sur la très animée Byres Road ou dans la ruelle villageoise Ashton Lane, riche en pubs.

Pub dans une ancienne courette industrieuse © Philippe Bourget ©

Restent les quais de la Clyde. D’industriels, ils sont devenus « arty ». Depuis la toute récente passerelle piétonne et cycliste jetée sur le fleuve au confluent avec la Kelvin, les rives sont scandées par l’ultra design Riverside Museum (histoire des transports), le Glasgow Science Center, le siège de la BBC Scotland, le SEC Armadillo (auditorium) et Ovo Hydro (salle de concerts). Au milieu des runners qui s’époumonent, tout cela est très tendance mais par trop clinique. Des mouettes piaillent, un pâle soleil transparait… et Glasgow poursuit sa mue trendy.

Ashton Lane, rue villageoise à pubs de West End © Philippe Bourget ©

Kelvingrove Art Gallery and Museum et Burrell Collection, l’art au sommet

Ces deux grands musées sont à visiter absolument. Dans le quartier de West End, près de l’université, l’immense et impressionnant Kelvingrove Art Gallery and Museum, aménagé dans un palais en grès rose du début du XXè s. – cette pierre a servi à bâtir de nombreux édifices à Glasgow -, exige un peu plus qu’une demi-journée si l’on veut tout voir en profondeur. Les espaces d’exposition se déploient dans des patios et des étages à galeries, de part et d’autre d’un grand hall central.

Le Kelvingrove Art Gallery and Museum, dans West End © Philippe Bourget ©

Entièrement gratuit, le « Kelvingrove » parle autant de zoologie que de sculpture et de peinture. On ira voir en particulier l’espace consacré aux grands peintres modernes écossais (Leslie Hunter, JD Fergusson, SJ Peploe…) dont certains tableaux exaltent la nature locale (superbe « Balmoral Autumn », par Joseph Denovan Adam, 1896) et les salles dédiées à l’impressionnisme français, où sont présentés des tableaux des grands maîtres Courbet, Monet, Cézanne, Matisse, Renoir…

Objets d’art dans la Burrell Collection © Philippe Bourget ©

La Burrell Collection est aussi indispensable. Plus importante collection d’art issue d’un legs privé d’Ecosse, elle provient de Sir William Burrell, industriel glasvégien du tournant du XXè s. ayant fait fortune dans la construction navale. Il a passé sa vie, avec son épouse, à réunir des œuvres. Près de 10.000, dit-on. Sa passion éclectique l’a conduit à posséder des peintures d’impressionnistes, des céramiques, des sculptures, des objets antiques… Tous plus remarquables les uns que les autres.

Une salle d’exposition dans la Burrell Collection © Philippe Bourget ©

A sa mort, en 1958, il en fit don à sa ville. Depuis les années 1980, celle-ci les présente dans ce vaste musée design récemment rénové, posé au sud de la rivière Clyde, dans le Pollok Country Park, grand jardin de 150 ha avec ferme, vaches highlands et manoir, un poumon vert parmi d’autres de la ville. Détendu par cet environnement de nature, le public est invité à découvrir des statuettes asiatiques, des céramiques chinoises et iraniennes aux couleurs splendides et une superbe série de tableaux impressionnistes de Degas (peintre préféré de Wlliam Burrell), Manet, Courbet (splendide tableau de la « Charité à Ornans »), Pissaro, Renoir, Corot, Daumier… ainsi que des sculptures de Rodin et de Camille Claudel. Un régal.

Botanic Gardens et Kelvingrove Park, références d’une cité verte

Comme dans beaucoup d’autres villes britanniques, la nature est très présente. Autant en profiter après avoir trekké dans les rues de la cité ! Parmi les parcs de Glasgow, le jardin botanique, dans West End, est un must. Proche de la station de métro Hillhead, il offre une respiration charmante avec ses parterres jardinés, ses serres et sa vallée sauvage de la Kelvin. Fondé en 1817 par le botaniste Thomas Hobkirk, il propose ses allées bordées de pelouses bien taillées à des déambulations romantiques (de nombreux écureuils gris gambadent en liberté) et 12 serres abritant plus de 12.000 sortes de plantes et fleurs exotiques et du désert.

© Philippe Bourget ©

Dès l’entrée, on tombe nez à nez avec un magnifique palais de verre, le Kibble Palace, qui abrite une luxuriante végétation tropicale. On achèvera la balade par une plongée le long de la rivière Kelvin, vallée verte et secrète longée par un sentier pédestre.

La rivière Kelvin près de l’université, dans Kelvingrove Park © Philippe Bourget ©

Non loin de là, toujours dans West End, Kelvingrove Park est un autre poumon de verdure. Situé près de l’université, cet espace traversé par la rivière Kelvin, affluent de la Clyde, offre sur plus de 30 ha ses grands arbres, ses pelouses et ses allées ombragées aux promeneurs et aux joggeurs. Les enfants adorent titiller les écureuils gris, peu farouches, qui hantent ce parc.

Passerelle dans les Botanic Gardens © Philippe Bourget ©

Très fréquenté, le Kelvingrove Park est aussi le « campus vert » des étudiants de l’université, qui n’ont qu’à descendre de leurs doctes salles de cours pour venir s’alanguir sur l’herbe, aux beaux jours. Depuis deux ans, fin septembre, le parc accueille Big Feed, sur la Kelvin Way. Un évènement musical et culinaire, avec concerts et offre de street food.

 

Infos

• Passeport valide obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni.
• A partir du 2 avril 2025, une ETA (Electronic Travel Authorisation) est aussi obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni depuis la Belgique. Prix : 10 £ (env. 12 €), valable pendant deux ans (sauf si validité du passeport expirée avant). gov.uk/government/organisations/home-office
• A Glasgow, on pourra utiliser le métro (une ligne circulaire) et les bus pour les sites éloignés. Billet à la journée : métro (env.5€) ou bus (5,50€).
Hébergements-Restaurants-Cafés

 

En savoir plus
Visit Britain : visitbritain.com/fr
Visit Scotland : visitscotland.com/fr-fr

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