Résultat, 29 parcs nationaux et un respect immense pour l’environnement, la faune et la flore. Aller au Costa Rica promet de découvrir un pays intègre. A consommer sans modération.
Cas rare en Amérique Centrale, la démocratie apaisée qui s’est installée au Costa Rica a fait le choix de protéger sa biodiversité et de miser sur un tourisme responsable.
Conséquence : du nord au sud du pays, plusieurs parcs nationaux sont ouverts au public. Ils sont dotés d’hébergements souvent à taille humaine et garantissent d’apercevoir un large spectre animal. En prime, le Costa Rica affiche un volcanisme actif. On pourra en mesurer la vigueur sur les pentes de plusieurs d’entre eux.
Au nord, les provinces d’Alajuela et de Guanacaste combinent sites majeurs et lieux inédits. Impossible de louper le très connu volcan Arenal, cône parfait de la cordillère de Tilarán. Impensable de passer à côté des volcans Tenorio et Rincón de la Vieja. Leurs versants abritent une végétation humide et sèche qui balaie la panoplie entière des plantes tropicales connues et inconnues. Ne parlons même pas de la vie animale. Colorés et parfois bruyants (tels les singes hurleurs), oiseaux et mammifères sont une raison majeure (mais pas exclusive) de visiter le pays. Tourné vers l’ouest, le Guanacaste livre également sa côte Pacifique à des séjours balnéaires agréables, au bord d’un océan à l’eau tiède.
En mode immersif, l’Alajuela offre aussi la chance de rencontrer des communautés indigènes. Rare peuple amérindien présent au nord, les Malekus proposent une initiation riche et passionnante à leur univers culturel. Nous gardons le meilleur pour la fin – où plutôt le début : le Caño Negro. Non pas que ce territoire de lagune soit plus riche que les autres. Mais son isolement à l’extrême-nord du pays, près de la frontière du Nicaragua, et la profusion d’animaux qu’il abrite, visibles lors d’itinéraires en bateau, lui donne une touche de mystère qui mérite d’aller s’y perdre.
La gentillesse légendaire du peuple costaricien fera le reste. Son accueil toujours courtois et des conditions de visites sûres sont la garantie d’un voyage mémorable.
Au nord du pays, ce « Refuge National de Vie Sylvestre » protège sur 10 000 ha des milliers d’oiseaux et d’animaux terrestres.
Situé à deux pas du Nicaragua, ce sanctuaire de la nature est une véritable arche de Noé. Peu fréquenté par le grand tourisme, il assure une plongée inédite dans un écosystème passionnant.
Ma surprise fut de taille. Avant de rejoindre le rio Frio et d’embarquer pour la croisière naturaliste, dans cet extrême-nord costaricien, l’arrêt nous avait été conseillé au pied d’un immense ceiba (arbre tropical), posé en retrait de la route. Tout en haut, un couple de jabirus était en train de construire son nid. Pas n’importe quel oiseau, cet échassier. Debout, il peut mesurer jusqu’à 1,30 m. Vision magnifique et rare que ce couple haut perché, plumage blanc et noir entrecoupé d’une collerette rouge.
La suite fut à l’unisson. Dans l’immense plaine humide dont le niveau d’eau varie au gré des saisons, le rio Frio se fraye un chemin à grand spectacle au milieu de la faune. Les immenses prairies à zébus laissent ici la place à une volière sans filet où la cohabitation animale est la règle. Martins-pêcheurs de toutes tailles, cassiques de Montezuma au plumage marron et jaune, aningas élancés à l’air presque fragile, grands hérons bleus dominateurs, esthétiques spatules roses, petits jacanas au poitrail jaune, fiers hérons Onoré du Mexique en pleine parade nuptiale… tous observent notre navigation avec confiance, certains d’être les maîtres des lieux. D’autres ont l’œil aux aguets : les caïmans. En ce mois de février d’eaux refluantes, on ne voit qu’eux, tapis sur les berges boueuses, figés dans une immobilité parfaite. Certains ont la bouche ouverte, façon de réguler leur température corporelle. Nous n’y risquerons pas la main… Les hautes branches sont moins tranquilles. Des iguanes surpris par notre présence se jettent à l’eau, des singes hurleurs se baladent avec aisance, des balbuzards pêcheurs guettent leurs proies tandis que dans le ciel, un caracara huppé observe cela de ses yeux perçants.
La balade oscille entre rio Frio et zones lagunaires. Elle montre aussi la petite vie des rives, ces campesinos qui vont et viennent sur leurs barques pour rejoindre un village ou un champ. Ou ces pêcheurs occupés à traquer d’immenses tilapias. Seul le cœur de la saison sèche, en mars-avril, empêche les habitants de naviguer sur tous les chenaux. Mais nous n’en avons pas fini avec les animaux…
Pied mis à terre, nous allons nous poster sous un arbre où se perche un ibijau, énigmatique oiseau de la famille des nyctibiidae. Plus loin, au bord de la lagune, nous surprenons un lézard vert Jésus-Christ, appelé ainsi pour sa capacité unique à marcher sur l’eau. Au-delà, une cohorte de tortues forme des petits points noirs à la surface de l’eau, autant de têtes émergées occupées à surveiller l’horizon. Dans ce Caño Negro si surprenant, la balade diurne peut aussi devenir nocturne. A pied, elle dévoile un autre monde, celui des fourmis « balles de fusil » à la piqure douloureuse, des grenouilles taureaux peu farouches, des araignées rétiaires capturant leurs proies avec leurs toiles-filets… Vraiment un univers d’exception.
Parmi les six peuples amérindiens vivant dans le pays, les Malekus sont les moins nombreux. Installés dans trois villages autour de San Rafael Guatuso, dans la province de l’Alajuela, une partie de leurs 1 200 membres dévoile aux touristes une culture hélas menacée.
La rencontre avec une communauté amérindienne laisse toujours des traces. A fortiori en Amérique Centrale où la colonisation a dévasté ces peuples premiers, victimes d’exactions et de maladies. Au Costa Rica, six tribus ont survécu. Les Cabécares demeurent les plus nombreux. Une dizaine de milliers d’entre eux vit au sud du pays. Les Malekus, eux, sont les moins visibles. Seuls 1 200 membres habitent encore trois villages, situés autour de San Rafael Guatuso, ville de la province d’Alajuela, au nord du pays. Sans information préalable, il n’est pas simple de les trouver. C’est grâce à notre guide que, contacté à l’avance, l’un d’eux nous fait signe sur le bord de la route. Quelques centaines de mètres en retrait se trouve l’un des trois villages, Palenque del Sol. Jimmy est son représentant.
Cheveux noirs et longs, teint cuivré, il est le dépositaire d’une culture immémoriale hélas en train de s’éteindre. « Les Malekus savent qu’ils vont disparaitre. Ils ne sont plus assez nombreux. Leur souhait est de transmettre leurs traditions aux visiteurs afin qu’on connaisse leur histoire », explique Bertrand Ducos, guide naturaliste français installé au Costa Rica depuis plus de 20 ans. Ce que confirme Jimmy entre les lignes. « Nous sommes 1 200 mais seulement 600 d’entre nous sont de purs Malekus. Les 600 autres sont métisses. Et parmi les moins de 25 ans, 95% sont aussi métisses », admet-il. Plus aucun ne vit aujourd’hui dans ces maisons sur pieux de bois couvertes en feuilles de palme, telle que celle où nous sommes accueillis. Ils se sont adaptés au monde moderne. Mais ils y entretiennent leur mémoire. Elle est culinaire, avec la cuisine au feu de bois et les ustensiles traditionnels utilisés pour préparer les viandes, exclusivement issus d’animaux dont ils attribuent la création à leur Dieu – ils délaissent la chair attribuée aux « esprits malins », tels les serpents. Elle est culturelle, avec cette langue ihaïca qu’ils s’efforcent d’entretenir en famille et lors de représentations théâtrales pour les visiteurs. Elle est botanique, enfin, avec cette science des plantes qui leur permet de soigner et de fabriquer des objets.
Nous partons en forêt avec Jimmy. Ses bottes en caoutchouc le protègent des morsures de serpents, notamment celle de la « vipère fer de lance », qui n’hésite pas à attaquer l’homme lorsqu’on empiète sur son espace vital. Son venin est mortel. Nous goutons le suc provenant de la tige d’une feuille inconnue. Amer, le goût provoque le rapide « endormissement » de notre lèvre et langue. « Nous nous en servons pour calmer les douleurs dentaires », dit Jimmy.
Un peu plus loin, nous testons une plante étonnante. Posée sur le bras, elle reste fermement accrochée aux poils. Impossible de s’en débarrasser, sauf à la décrocher « à l’envers ». « Avec elle, nous jouions enfants à attraper des oiseaux en les attirant autour d’un fruit posé au sol. Leurs plumes collées par la plante, ils ne pouvaient plus voler », raconte le Maleku. Il avise un végétal aux longues feuilles garnies d’épines redoutables, dont il coupe une petite quantité. Débarrassées de leurs piquants et assouplies, elles laissent apparaître des fibres longues. Retirées puis enroulées ensemble, elles formeront un fil solide tissé pour fabriquer des sacs. Une rencontre passionnante avec cette communauté passée en dessous du seuil de reproduction pour perdurer mais parfaitement adaptée à la vie dans la forêt costaricienne.
Protégés par des Parcs nationaux, ces deux volcans offrent un contraste inédit. S’ils sont riches en oiseaux, fumerolles et cours d’eau – et même une rivière bleue ! – le premier plonge le visiteur dans la forêt pluvieuse. Le second, lui, bascule dans un paysage digne de la savane africaine…
Randonneurs fous de nature, bienvenue sur les pentes du Tenorio et du Rincón de la Vieja, au nord du Costa Rica. Deux volcans, deux mondes et des parcours pédestres incontournables.
Nous sommes à Puesto Pilón, un matin pluvieux de février, à l’entrée du Parque Nacional du Volcan Tenorio. La météo maussade n’a rien d’étonnant. Heurté par les nuages venus de la mer des Caraïbes, les montagnes de la cordillère de Guanacaste forment une barrière qui reçoit toute l’année, côté Est, des précipitations importantes. La forêt… pluvieuse porte ainsi tous les stigmates de cette humidité, avec de grands arbres ruisselants et des arbustes cherchant la lumière sous la canopée. Ne pas oublier aussi que nous marchons sur les pentes d’un volcan.
Après une trouée forestière ouvrant la vue sur les trois dômes volcaniques (Tenerio Uno – 1916 m -, Tenerio Dos et Cerro Montezuma), l’odeur de souffre ne trompe pas. Voici les borbollones, émanations de vapeurs d’eau issues des tréfonds de la terre. Le volcan n’est pas en éruption mais actif, du coup l’ascension aux sommets est interdite. Qu’à cela ne tienne. De passerelles en escaliers, le sentier conduit vers une curiosité qui fait vite oublier les cratères : une rivière qui change de couleur…
Venu des hautes pentes, le río Buenavista modifie subitement son ph en précipitant des sédiments au fond de son lit. D’autres, à l’inverse, restent à la surface de l’eau. Irisée par la lumière du soleil, le cours d’eau devient soudain tout bleu. Un phénomène unique qui vaut le nom de rivière Céleste au torrent. On en apprécie la beauté à la Catarate Río Celeste, chute d’eau qui plonge dans un bassin bleu turquoise – sauf quand il pleut… En 3h30 de balade, on aura peut-être la chance d’apercevoir l’oiseau-soleil (ave sol). Le « Tenorio » offre une plongée magique dans la grande nature costaricienne.
Changement de décor dans le parc national du Rincón de la Vieja… ou presque. Cet autre volcan actif – dernière éruption fin 2020 – tourne ses pentes ouest vers l’océan Pacifique. En saison sèche, la pluie y est rare. Sur les zones sans torrents, une végétation steppique dévoile sans crier gare un décor de savane sèche. Tout commence pourtant comme on peut s’y attendre en pays tropical : le sentier de Pailas s’enfonce dans une dense forêt humide marquée par la présence inquiétante des ficus étrangleurs. Ces arbres colons prospèrent sur des arbres tuteurs jusqu’à les étouffer de leurs branches enveloppantes.
Nous entendons tout près le râle sourd du grand hocco, bel oiseau au bec jaune. Nous voyons aussi cavaler dans les arbres les singes capucins à face blanche. Quand soudain, après une zone de fumerolles où résonne le souffle de la terre, le paysage devient sec comme un coup de trique. Fini le vert, place aux gommiers, frangipaniers et autres arbustes desséchés. Sans eau, ces versants ont l’allure d’une steppe, parcourue par les peu sympathiques iguanes sténosaures. Frontière brutale, presque irréelle… Au loin, le dôme du volcan profite de cette trouée pour montrer son meilleur profil. Etonnant circuit de Pailas qui fait changer de monde en 2h30 de randonnée facile.
Après les découvertes animalières et forestières, il est bon d’achever un séjour au Costa Rica par la détente balnéaire. Au nord-ouest, l’océan Pacifique s’y prête, avec ses hôtels Premium, ses eaux chaudes et ses excursions dans l’arrière-pays à vues plongeantes sur le littoral. Au programme : farniente actif du côté de Playa Panamá, dans la province de Guanacaste…
Le Costa Rica est une terre d’écotourisme, personne ne dira le contraire. La nature est riche et le pays est enclin depuis des décennies à protéger sa biodiversité. Mais c’est aussi une destination de tourisme balnéaire. Les Américains le savent bien : ils sont 700 000 à venir chaque année s’alanguir sur les plages du Pacifique, débarquant par charters entiers à l’aéroport international de Liberia, le deuxième du pays. Pour ce que nous avons vu de la côte à proximité de la péninsule de Santa Rosa, au nord-ouest, les horreurs urbanistiques ont été évitées. Pas d’immeubles-hôtels défigurant le paysage mais plutôt des resorts « intégrés », impactant peut-être la nature mais avec douceur. Nous ne sommes pas à Cancún…
Playa Panamá, parmi d’autres stations littorales, affiche ses établissements « bord de plage » avec une relative discrétion, à l’image d’El Mangroove. Quelques dizaines de mètres à peine séparent les chambres du sable sombre – terre volcanique oblige – et de la baignade en mer, dans une eau toujours chaude. Ceux qui ont fait trempette dans le Pacifique au Chili seront surpris de la différence… Au rayon des activités, nage, kayak et scooter des mers sont aisément praticables : Playa Panamá est au fond d’une baie, protégée des assauts de la grande houle Pacifique. Tout autour, d’autres plages affichent leurs petits restaurants locaux où l’on peut déguster d’excellents ceviches et poissons grillés. Des activités plus toniques sont aussi au programme. On ne sait pas si les Américains en profitent mais il existe des escapades en buggy qui valent tous les après-midis du monde au bord de la piscine.
Avec Buggy Tour (un prestataire local) direction les « hauts plateaux » de l’arrière-côte. Par des chemins poussiéreux, on grimpe depuis Playa Panamá à travers une végétation sèche à l’allure de savane épineuse. C’est la terre des immenses haciendas, ces fermes d’élevage bovin – en l’occurrence des zébus – étendues sur plusieurs centaines d’hectares. De ci, de là, quelques maisons éparses ponctuent le paysage. Des fermes plus importantes laissent voir leurs corrals, enclos de rassemblement des troupeaux.
On y croise aussi un ou deux cavaliers à cheval, ces saboneros équivalents des cow-boys dont le travail consiste à conduire ou trier les zébus. Ce n’est pas tout. En s’enfonçant dans les chemins creux, on découvre deux lagunes à crocodiles, plans d’eau incongrus dans ce décor de western. Et puis arrive la récompense ultime… S’arrêtant net en bord de falaise, le chemin laisse place à un panorama gigantesque sur l’océan Pacifique, la côte rocheuse sinuant au nord jusqu’à la frontière du Nicaragua, les pélicans et les frégates volant dans l’azur infini… Inoubliable paysage d’autant plus remarquable que nous sommes seuls au monde. Le village où se trouve ce lieu magique se nomme El Triunfo. Un nom de baptême bien mérité.