Bordeaux a le vent en poupe et pas uniquement pour ses grands crus

Christiane Goor,
05-07-2024
Avec la fin de l’été vient le temps des city-trips, ces escapades de quelques jours qui permettent de se ressourcer. Alors, cap sur Bordeaux, la capitale girondine qui ne manque pas d’atouts : lovée le long de la Garonne, un climat doux et un centre historique inscrit depuis 2007 sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco sans oublier l’explosion de la scène culinaire qui en fait une destination bistronomique de premier plan.

C’est en remontant la Garonne que nous avons découvert la ville qui se dévoile tel un immense décor de théâtre avec un impressionnant alignement de bâtiments dans le grand style du 18ème siècle.

Découverte de la rive gauche depuis les berges sauvages de la rive droite © Charles Mahaux

Le Port de la Lune

Quand on prend un peu de hauteur on réalise que les quais sont incurvés autour d’un méandre en forme de croissant de lune que dessine ici la Garonne. C’est certainement pour cette raison que les hommes se sont installés là il y a plus de 2000 ans. Cet arrondi casse le courant du fleuve et protège les bateaux du mascaret, un phénomène naturel qui se produit lors des grandes marées, remontant le fleuve depuis l’Atlantique sur plus de 100 km.

Animation sur le Port de la Lune en face du Jardin des Lumières © Charles Mahaux

La ville a acquis son rayonnement avec le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenet en 1152, une union qui favorise les relations maritimes avec les îles britanniques et les pays nordiques. Après une mise en sourdine suite à la reconquête française au 15ème siècle, il faut attendre le 17ème avec le développement du commerce triangulaire colonial pour que le port de Bordeaux devienne le premier port de France et le deuxième port mondial après Londres. Il approvisionne l’Europe en café, cacao, sucre, coton et indigo et exporte ses vins. Aujourd’hui le dernier cargo a largué ses amarres en 1987 et le port autonome occupe désormais une place secondaire à l’échelle nationale

Cependant le Port de la Lune accueille encore une cinquantaine de navires de croisière qui offrent ainsi une vue imprenable sur la ville à leurs passagers qui peuvent visiter aisément à pied tout le cœur historique. D’autres bateaux, comme des voiliers ou des yachts font également escale à Bordeaux.

Place de la Bourse © Charles Mahaux

Première balade le long des quais

La somptueuse place de la Bourse érigée en front de fleuve avec son plan symétrique typique de l’architecture classique témoigne de l’importance du port de commerce dans la prospérité de la ville. Jadis la place fermée avec des grilles abritait la douane et la bourse maritime, créant un balcon sur la Garonne d’où l’on pouvait apercevoir la forêt de mâts des nombreux navires qui mouillaient dans le port. Aujourd’hui la grille a disparu et une immense dalle de granit dessine un vaste miroir d’eau dans lequel se reflète la superbe façade de la place de la Bourse. Petits et grands y jouent avec plaisir, y dansant ou s’éclaboussant.

Une des vastes pelouses du Jardin public © Charles Mahaux

Il suffit alors de descendre le cours du fleuve en traversant d’abord des jardins abondamment fleuris entre lesquels se nichent les amoureux. Sur la gauche surgissent deux colonnes rostrales qui ouvrent l’accès à une place, la plus vaste de France, l’esplanade des Quinconces bordée de hauts arbres plantés en quinconce, ceci explique cela. Au-delà, la promenade se poursuit sur les quais des Chartrons remarquablement aménagés pour permettre à tous d’y déambuler en toute sécurité. Un large couloir est réservé aux piétons tandis qu’un autre est dédié aux vélos et aux trottinettes. Des jeux pour enfants et un skate-park aux beaux volumes ont été créés là où jadis se trouvaient des entrepôts. L’abandon du port et la destruction des hangars offrent aujourd’hui un rapport direct entre la façade des anciennes maisons bourgeoises des négociants et le cours de la Garonne.

Les colonnes rostrales, esplanade des Quinconces © Charles Mahaux

C’est ici, au cœur de l’ancien fief du commerce viticole, que s’est installé le Musée du Vin et du Négoce. Il occupe dans le quartier des Chartrons le rez-de-chaussée et les vastes cours voûtées d’un bâtiment du 18ème siècle. L’occasion d’apprendre que toute la vieille ville était construite sur pilotis. L’intérêt du lieu réside dans le fait qu’il n’a jamais cessé d’être une maison de négoce et s’inscrit donc dans une démarche historique. En effet à l’issue de la visite vient le moment de la dégustation aménagé dans l’ancienne tonnellerie et bien sûr l’occasion de repartir avec une bouteille sous le bras !

L’insolite Cité du Vin telle une vigie sur la Garonne © Charles Mauhaux

www.museeduvinbordeaux.com

Le patrimoine à l’honneur dans le cœur historique

Il faut prendre le temps de flâner dans le quartier des Chartrons en levant le nez pour y découvrir des balcons sur trompes et de nombreux mascarons, autant de visages de pierre sculptés surgissant à la clef de voûte des arcades. Ils sont la signature de Bordeaux. La rue Notre-Dame est le plus bel itinéraire qui traverse le quartier jusqu’à l’esplanade des Quinconces. On y trouve de nombreux antiquaires et des brocanteurs mais aussi des commerces de proximité et des boutiques branchées et surtout de jolies terrasses tirées sur la rue.

Le quartier convivial de la rue Notre-Dame © Charles Ma

Remontons la place des Quinconces vers l’impressionnante fontaine du monument aux Girondins encadrée par une profusion de statues dont l’Ange de la Liberté brisant ses chaînes au sommet de la colonne. Il ne reste plus qu’à rejoindre la place de la Comédie et son emblématique Grand Théâtre avec le long péristyle de la façade supporté par 12 colonnes corinthiennes surplombées de statues antiques. La place est aussi une des trois pointes du fameux Triangle de Bordeaux bordé par le cours piétonnier de l’Intendance, le cours Georges Clémenceau et les allées vertes de Tourny.

La statue monumentale signée Jaume Plensa à l’entrée de la rue Ste-Catherine © Charles Mahaux

La longue rue Sainte-Catherine, tout aussi emblématique pour être le lieu incontournable des fans de lèche-vitrines, s’ouvre sur la place de la Comédie après avoir traversé sur plus d’un kilomètre le quartier Saint-Pierre dans lequel il faut se perdre car il retient encore l’âme du vieux Bordeaux avec des façades qui s’échelonnent entre les 15ème et 18ème siècle : cariatides, bas-reliefs, ferronneries attirent le regard mais surtout son ambiance bon enfant avec ses rues semi-piétonnes, ses terrasses et ses boutiques en vogue. La médiévale monumentale porte Cailhau a survécu, elle servait jadis d’entrée royale vers la conviviale place du Palais où les hôtels particuliers du 18ème s’entourent de terrasses de café ombragées par des érables.

Moment de pause des étudiants dans le Jardin des Lumières © Charles Mahaux

Le passé recomposé

Durant les 15 premières années de ce siècle, Bordeaux a subi un grand lifting en ravalant la surface de ses murs pour laisser apparaître ses façades blondes et mieux souligner ainsi l’extraordinaire unité urbaine et architecturale classique et néo-classique qui a présidé à la construction et au développement du Port de La Lune.

Mais il est aussi une autre manière d’animer la ville en transformant pour les réemployer des bâtiments vétustes ou devenus hors service. C’est ce qui est arrivé dans le quartier de Bacalan ou des Bassins à Flots, créés entre 1869 et 1911 qui ont prospéré jusqu’aux années 1930 avant d’être occupés par les forces allemandes qui y construisirent une base sous-marine qui est devenue un gigantesque espace culturel dont la vedette sont les Bassins de Lumières, le plus grand centre d’art numérique au monde dont les projections temporaires habillent de façon féerique les anciennes alvéoles. Nous y avons découvert l’exposition immersive consacrée à Gaudi et à Dalí. Une expérience saisissante ! www.bassins-lumieres.com

Depuis le nouveau quartier des Hangars vue sur le pont Jacques Chaban-Delmas © Charles Mahaux

Le point d’orgue de la réhabilitation du quartier est l’installation de la Cité du Vin qui semble servir de vigie au bord de la Garonne. Dans un édifice tout en courbes, en verre et en aluminium dont la forme évoquerait un cep de vigne noueux à moins que ses rondeurs ne soient inspirées par le mouvement du vin dans une carafe, ce bâtiment est un temple dédié au vin qui est abordé de manière sensorielle, historique, culturelle, géographique, etc. en parcourant des espaces thématiques qui se découvrent avec un audio-guide que l’on active soi-même. Il y a tant à voir qu’il vaut mieux se laisser guider selon les intérêts particuliers et en tout cas terminer par le belvédère situé au 8ème étage où le billet d’entrée donne droit à la dégustation d’un verre de vin tout en profitant d’une vue exceptionnelle panoramique sur Bordeaux et son fleuve www.laciteduvin.com

L’insolite Cité du Vin telle une vigie sur la Garonne © Charles Mauhaux

La Rive droite, d’un pont à l’autre

Quand on passe un dimanche à Bordeaux il faut le vivre comme les Bordelais qui s’offrent un vrai bol d’air sans pour autant quitter leur ville. Il suffit de traverser le pont Jacques Chaban-Delmas et de longer la rive droite de la Garonne. Champs de vignes puis friche industrielle, cette zone a longtemps été boudée par les Bordelais mais des réaménagements urbains dans ce quartier appelé La Bastide et surtout la création d’espaces verts qui se succèdent sur les berges pour donner vie à des paysages naturels ont ramené les habitants sur cette rive. Il faut dire qu’elle offre une des plus belles vues sur le patrimoine historique de Bordeaux.

Sur la place Pey-Berland, la cathédrale St-André et son campanile © Charles Mahaux

L’Espace Darwin a investi une ancienne caserne désaffectée pour y créer une expérience sociologique multiforme en attirant autant de profils différents que de projets novateurs : skateurs et passionnés de street-art, entrepreneurs de la green économie, fans de musique électro, défenseurs de la biodiversité et les « bruncheurs » bio du dimanche !  « Darwin est une place de village dans la ville de Bordeaux rive droite » explique son fondateur Philippe Barre.

Le pont de pierre, le plus vieux pont de Bordeaux © Charles Mahaux

Quand on poursuit la balade le long des berges on atteint la place Stalingrad reconnaissable à sa statue d’un lion bleu, juste en face de l’élégant pont de pierre, le premier pont inauguré à Bordeaux en 1822 qui a permis de rallier les deux rives de la Garonne en une même cité. On le doit à Napoléon et ses 17 arches sont un clin d’œil au nombre de lettres figurant dans le nom de Napoléon Bonaparte. Aujourd’hui il est réservé aux piétons, aux cyclistes et aux transports en commun. Il débouche rive gauche sur la porte de Bourgogne, un édifice au style néo-classique dont la sobriété rappelle davantage une arche monumentale. D’un côté on pénètre dans le quartier cosmopolite de Saint-Michel, de l’autre on retrouve le quartier Saint-Pierre. La boucle est bouclée.

Le quartier convivial de la rue Notre-Dame © Charles Mahaux