1. Lac Naivasha, des oiseaux et des « hippos »
2. Lac Nakuru, le sanctuaire lacustre et terrestre
3. Ol Pejeta Conservancy, mémoires animales
4. Ilmotiok et Tumaren Ranch, safari à pied avec les masai
A deux heures de route au nord-ouest de Nairobi, ce grand lac d’eau douce de la vallée du Rift, à 1 900 m d’altitude, a des allures rassurantes de petite mer intérieure. Il ne faut pas s’y fier ! Des kenyans ont beau taquiner carpes et tilapias avec des cannes à pêche de fortune depuis les berges, le danger rode…
On s’en rend compte après avoir grimpé sur une embarcation pour aller explorer les rives. La navigation livre d’abord ce qui constitue l’attraction numéro un du lac : sa richesse ornithologique. Oscillant selon les saisons sèche ou pluvieuse entre 100 et… 1 000 km², le lac Naivasha est une arche de Noé pour l’avifaune.
Ici un kingfischer (martin-pêcheur) au plumage gris et blanc, veillant sur une tige de papyrus. Là, une cigogne placide et solitaire, bec jaune et œil cerné de rouge. Plus loin, un ibis hagedash dans des nénuphars, près d’un jacana d’Afrique à fines pattes et au plumage roux. Ailleurs, des cormorans et une grande aigrette blanche, séchant sur des arbres morts émergés. « Le niveau du lac a beaucoup baissé en ce début d’année. Il n’a pas assez plu en 2022 », déplore notre pilote.
Soudain, devant nous, un hippopotame hisse son crâne hors de l’eau. Grosse tête brune, yeux aux aguets, oreilles dressées… Nous nous éloignons, rien n’est plus dangereux qu’un hippopotame solitaire s’estimant acculé… En remontant le long de la berge, nous repérons leur « village ». Cinq gros « hippos » pataugent dans les nénuphars, mastodontes d’Afrique aussi intimidants que les rhinocéros. A l’arrière, sur la terre ferme, des huttes d’habitation ne sont qu’à quelques dizaines de mètres…
Hauts sur des branches d’acacias, des aigles pêcheurs à têtes blanches, indifférents au spectacle de ces colosses humides, surveillent leurs proies, prêts à plonger… On peut découvrir ce lac où peu de touristes s’aventurent depuis le Chui Lodge, un hébergement entouré d’une savane arborée devenue réserve privée où d’autres animaux, terrestres cette fois, attendent le visiteur.
De taille plus réduite que le précédent mais plus connu, le lac Nakuru, à deux heures de route au nord de Naivasha, doit sa réputation aux flamants roses qui l’occupent durant la saison des pluies, entre avril et juin. Ce sont alors des milliers d’échassiers qui viennent profiter des hautes eaux et du festin promis.
Totalement enserré dans le parc national du même nom, le lac Nakuru est un lieu fréquenté (nombreux véhicules sur les pistes) qui offre l’avantage de pouvoir observer des espèces d’oiseaux mais aussi quantité d’animaux terrestres, et pas des moindres ! Rhinocéros, babouins, zèbres, buffles, lions… ont élu domicile près du lac, point d’eau rassurant pour ces mammifères dans cette savane si aride.
En longeant de bon matin la rive est du lac en 4X4, depuis le Sarova Lion Hill Game Lodge, grand resort aux bungalows étagés à flanc de colline, le spectacle animal est fascinant. Descendus de leur repaire de nuit, les zèbres se désaltèrent, pattes dans l’eau. A l’arrière, les buffles semblent attendre leur tour, impatients. Des babouins batifolent dans les herbes hautes. Quelques phacochères se baladent nonchalamment…
La veille au soir, des rhinocéros noirs et blanc se tenaient à quelques pas de là. Espèce menacée, une centaine d’entre eux a été réintroduit dans le parc de Nakuru et semble se porter à merveille. Dans la savane, des lionnes repues se reposaient au loin, à l’ombre d’un acacia. La vision des zèbres remontant des berges en file indienne et jaugeant longuement le danger avant de contourner les fauves est une scène qui restera gravée dans la mémoire.
Plus près de l’eau, une autre forme de théâtre se joue. En ce mois de février, la grande escadrille des flamants roses n’est pas encore arrivée mais une ligne rose à la surface bleue du lac souligne la présence de centaines d’entre eux. Pélicans, marabouts, cormorans, hérons, rapaces et près de 500 autres espèces d’oiseaux cohabitent sur ces rives sanctuaires, à découvrir absolument.
Il faut monter haut dans le nord pour rejoindre cette zone protégée du comté de Laikipia, un plateau de savane sèche à l’allure de Sahel kenyan. A plus de 4h de 4X4 de Nairobi, Ol Pejeta Conservancy est un ancien ranch exploité durant la période coloniale devenu une aire de préservation de la vie sauvage. Il abrite aussi un sanctuaire pour les chimpanzés – les seuls que l’on puisse voir au Kenya.
Propriété de l’organisation de protection de la faune sauvage Fauna & Flora International, la réserve s’étend sur plus de 350 km² et s’affiche comme le plus grand sanctuaire d’Afrique de l’Est pour les rhinocéros. Cerise sur la corne de l’animal, il abrite les deux derniers spécimens au monde de « rhinocéros blanc du nord ». On peut les voir dans leur enclos, au Morani Information Center, lieu pédagogique dédié à la connaissance de l’espèce et au travail dans la réserve.
Près de là se trouve… le cimetière des rhinocéros. Sous un arbre isolé, 16 pierres tombales rendent hommage aux rhinocéros tués par des chasseurs dans la réserve lors d’un épisode sinistre de braconnage. Autre attraction : le Sweetwaters Chimpanzee Sanctuary. Etabli il y a 30 ans avec le Jane Goodall Institute et le Kenya Wildlife Service, il recueille et réapprend à vivre aux chimpanzés blessés, ou grandis en captivité. 30 d’entre eux semblent apprécier les soins prodigués, dans un parc d’1 km².
Le long trajet dans le bush pour rejoindre le Jambo Mutara Camp est ultra scénique. Tout en franchissant l’équateur, on croise des girafes, des éléphants, des zèbres, des antilopes, des buffles, une outarde kori hautes sur pattes, le splendide rollier à gorge lilas (oiseau national du Kenya) et, last but not least, quatre lionnes allongées dans l’herbe, repues après avoir dévoré un buffle. La nuit à Mutara Camp est savoureuse. Dominant la savane et un plan d’eau, on y observe les antilopes venues se rafraîchir. Avant de s’allonger sous des tentes de luxe en toile et de rêver au spectacle du lendemain.
Encore plus au nord dans le comté de Laikipia, voici Tumaren Ranch. Ce domaine de 42 km² de « savane libre » est détenu par un couple anglo-américain. Ici, pas de barrière ni de clôtures, le bush est libre de toute circulation. Au camp, on en prend plein les yeux dès les premières secondes : devant des tentes de toiles immenses au confort remarquable, des oryx font de la figuration, tandis que des éléphants s’abreuvent à une mare située derrière.
Les animateurs du camp sont masai et vivent dans les environs. Tous ont revêtu leurs parures traditionnelles, colliers en perles colorées, bracelets, plumes sur la tête… Le soir pour rejoindre sa tente, il faut se faire accompagner par un garde, histoire de ne pas être surpris par un animal venu roder trop près.
La valeur ajoutée du Tumaren Ranch, c’est le safari à pied. Nous grimpons sur une colline de grès couleur brun-ocre. Panorama infini sur le bush, où l’on aperçoit des zèbres de Grévy et des girafes réticulées. Le jour suivant est consacré à la marche. Visite d’une communauté villageoise au bourg d’Ilmotiok, trois à quatre huttes en pisé et des enclos à chèvres protégés par des barrières de buissons, aménagées pour éviter les intrusions animales – le lion, la hyène…
Là habitent des éleveurs semi-nomades masai. Ils vivent de la vente de leurs bêtes et utilisent encore des herbes locales pour se soigner. Le puits est à 10 km, l’école à 3 km. Les enfants s’y rendent à pied et doivent faire attention aux éléphants et aux buffles. Préoccupations africaines…
Une longue randonnée pédestre nous mène jusqu’à un campement provisoire. Les masai qui nous accompagnent voient souvent les animaux en premier : girafes, autruches, phacochères, babouins… Le sol parle, aussi. Traces d’éléphants, griffures du honeybadger, (genre de porc-épic), trou d’araignée… La nuit au campement sera bercée par ces découvertes et par le cri à deux tons de la hyène. Le Kenya en vrai, en dehors des parcs…
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