Manifestement, le fiasco du Soukhoï Superjet 100 ne décourage pas les Russes qui entendent bel et bien voler de leurs propres ailes d’ici peu. Cet aéronef, qui devait tailler des croupières aux avions de ligne à moyen courrier occidentaux, est le premier du genre produit en Russie depuis l’effondrement de l’URSS. L’appareil était censé effectuer son premier vol en 2006 et entrer en service en 2007. Le vol inaugural n’aura lieu que fin 2008, et le premier exemplaire n’est livré qu’en avril 2011…
En 2012, un accident mortel lors d’un vol de démonstration en Indonésie effraie les acheteurs potentiels. Puis, c’est la dégradation des relations entre la Russie et l’Occident et les sanctions imposées au pays après l’annexion de la Crimée en 2014, qui ont raison des volontés de coopération industrielle, contraignant l’avionneur à travailler sur une version 100 % “made in Russia”. Enfin, en mai 2019, le crash d’un Superjet 100 à Moscou fait 41 morts et finit d’enterrer les perspectives à l’exportation du SSJ100. Fait anecdotique : la seule compagnie occidentale à avoir utilisé le Superjet 100 est… Brussels Airlines, par l’intermédiaire de la société de location irlandaise CityJet. Ce fut le cas de 2017 à 2019.
Les appareils qui ne sont pas produits en Russie, principalement des Boeing et Airbus, représentent 95 % du trafic passagers en Russie, mais les sanctions occidentales ont entraîné l’épuisement des pièces de rechange. En août déjà, l’agence Reuters rapportait que les compagnies aériennes russes devaient prélever les pièces qu’elles ne peuvent plus acheter à l’étranger sur leurs propres avions de ligne. Une situation catastrophique pour les compagnies locales, à commencer par Aeroflot, la plus grande du pays.
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Mais le conglomérat Rostec, dirigé par un proche de Vladimir Poutine, voit dans ce bouleversement l’occasion parfaite pour développer une industrie aéronautique autonome, et ce malgré l’échec industriel du Superjet 100. “Les avions étrangers seront retirés de la flotte”, a déclaré Rostec. Et d’ajouter : “Nous pensons que ce processus est irréversible et que les avions de Boeing et d’Airbus ne seront jamais livrés à la Russie”.
La Russie est donc contrainte de plancher sur des appareils produits localement, à commencer par le MC-21 conçu cette fois par Irkout et non plus Soukhoï. Un avion à même de transporter près de 200 passagers sur une distance maximale de 6.000 km. Rostec annonce ainsi qu’il livrera plus de 1.000 avions “made in Russia” d’ici 2030 ! Pour ce faire, le pays va devoir combler un sacré retard technologique, notamment au niveau des moteurs, pièces fondamentales d’un avion, qui représentent jusqu’à 30 % de son prix d’achat. Le seul motoriste russe, Aviadvigatel, va avoir du pain sur la planche pour arriver au niveau de ses concurrents occidentaux que sont Rolls-Royce, Pratt & Whitney ou encore General Electric !